Venons-en à la partie certainement la plus délicate de la présente loi de finances. Au
vu de la complexité et l’étendue des réformes opérées, le présent écrit se contentera
d’exposer les principaux changements en la matière sans analyser leurs impacts.
Nouveaux rebondissements pour les BSPCE (article 92)
On recense deux types d’évolutions majeures entourant les BSPCE :
– D’abord nous reviendrons sur l’impossibilité désormais actée d’inscrire des
BSCPE au sein d’un PEA.
– Puis, nous exposerons le régime fiscal entourant les BSCPE désormais
hybride.
1) Impossibilité d’inscrire les bons et les titres acquis en exercice de BSCPE
sur PEA
L’on se souvient de la décision remarquée du Conseil d’État le 8 décembre 2023 CE,
8 déc. 2023, n°482922). La Haute juridiction était venue censurer les commentaires
administratifs prévoyant une exclusion des titres souscrits en exercice de BSPCE du
PEA. Pour cause, cette partie de la doctrine administrative ajoutait incompétemment
aux dispositions de l’article L221-31 du Code monétaire et financier qu’elle avait pour
objet d’expliciter devait être abrogée. L’Administration fiscale avait alors mis à jour sa
doctrine en date du 16 mai 2024 en supprimant lesdits commentaires.
Pourtant, la loi de finances pour 2025 vient rebattre les cartes. Désormais, aussi bien
les titres reçus en exercice de droits ou de bons de souscription ou d’attribution que
les bons eux-mêmes ne peuvent être inscrits sur un PEA. Sous réserve du respect
de certains conditions édictées à l’article L. 221-31 du Code monétaire et financier,
seuls les droits préférentiels mentionnés à l’article L. 225-132 du Code de commerce
peuvent être inscrits sur le plan.
Cette disposition s’applique aux droits ou bons de souscription ou d’attribution
attribués ou exercés à compter du 10 octobre 2024.
On regrettera simplement ce changement de position à rebours de la volonté, aussi
bien des praticiens que des pouvoirs publics, de favoriser l’actionnariat salarié.
2) Régime fiscal des BSPCE :
En synthèse, la loi de finances pour 2025 introduit au sein de l’article 63 bis G du
CGI une différence entre :
– L’avantage salarial (aussi appelé gain net d’exercice) retiré de l’exercice
des bons
– Le gain net retiré de la cession des titres souscrits en exercice de bons
A) Gain net d’exercice des BSCPCE
Méthode de calcul :
Il correspond à la différence entre la valeur des titres souscrits au jour de l’exercice
de bons et le prix d’acquisition des titres fixé au jour de l’attribution de ces bons.
Quelle imposition ?
Cet avantage est soumis à l’impôt sur le revenu :
– Au taux forfaitaire de 12,8 % ou, sur option du bénéficiaire, suivant les règles
de droit commun des traitements et salaires.
– Au taux forfaitaire de 30 % dans l’hypothèse où le bénéficiaire des bons
exercerait son activité dans l’entreprise émettrice depuis moins de 3 ans.
Dans les deux cas, les prélèvements sociaux au taux de 17,20 % seront prélevés.
Année d’imposition :
Le texte précise que cet avantage est imposé au titre de l’année de disposition, de
cession, de conversion au porteur ou de mise en location des titres souscrits en
exercice de bons. Spécificité, en cas d’échange sans soulte des titres souscrits en
exercice de bons résultant d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, de
division ou de regroupement réalisée conformément à la réglementation en
vigueur : « l’impôt est dû au titre de l’année de disposition, de cession, de conversion
au porteur ou de mise en location des actions reçues en échange. »
B) Gain net de cession des titres souscrits
Méthode de calcul :
Le gain net est égal à la différence entre le prix de cession des titres souscrits en
exercice des bons attribués et la valeur des titres souscrits au jour de l’exercice de
ces bons.
Quelle imposition ?
Ce gain net de cession est imposé selon le régime des plus-values de cessions de
valeurs mobilières prévu à l’article 150-0 A du CGI soit la flat tax ou sur option le
barème progressif de l’impôt sur le revenu. Dans les deux cas, les prélèvements
sociaux semblent dus.
Réforme du régime fiscal des management packages (article 93)
L’exposition des évolutions fiscales pour les BSPCE nous permet de faire une
transition non pas sans lien avec les changements opérés sur le régime fiscal
des management packages. Si le cadre fiscal de ces derniers était attendu, la
présente loi de finances lève pour autant son lot d’incertitudes.
La loi de finances pour 2025, définit ce cadre fiscal au sein d’un article 163 bis H
nouveau du CGI. Précisons dès maintenant que toutes ces dispositions fiscales
s’appliquent aux dispositions, cessions, conversions ou mises en location réalisées à
compter du lendemain de la promulgation de la présente loi soit le 15 février 2025.
Précisons dores est déjà qu’il est ici question de la taxation du gain net, retiré par
des salariés ou dirigeants, sur les titres souscrits, acquis ou attribués à l’occasion
d’un dispositif d’acquisition de titres mis en place par l’entreprise pour favoriser
l’actionnaire salarié.
Le Conseil d’État avait en 2021, dans trois décisions, exposé le principe selon lequel
ces gains devaient être taxés dans la catégorie des traitements et salaires et non
comme des plus-values de cessions de valeurs mobilières, dès lors que les salariés
en ont bénéficié en contrepartie des fonctions qu’ils exercent dans l’entreprise. Pour
autant, cette jurisprudence orpheline de toute disposition légale était synonyme
d’instabilité juridique pour bon nombre de situations.
La loi de finances entérine un principe d’imposition graduel et conditionnel selon
deux axes dépendant de la proportion du gain retiré.
Le principe :
Précisément, le principe est celui d’une imposition dans la catégorie
des traitements et salaires du gain net réalisé « sur les titres souscrits ou acquis
par des salariés ou des dirigeants ou attribués à ceux-ci lorsqu’il est acquis en
contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant dans la société émettrice de ces
titres, dans toute société dans laquelle la société émettrice détient directement ou
indirectement une quote-part du capital ou dans toute société qui détient directement
ou indirectement une quote-part du capital de la société émettrice. »
Par défaut, l’imposition se fera donc dans la catégorie des traitements et salaires
sous réserve que ces gains représentent la contrepartie des fonctions exercés par le
contribuable dans la société visée.
L’imposition interviendra au titre de l’année au cours de laquelle le bénéficiaire a
disposé de ses titres ou les a cédés, convertis ou mis en location. Le texte précise
qu’en cas de donation des titres le gain net est déterminé et imposé au nom du
donateur au titre de l’année au cours de laquelle le donataire a disposé de ses titres
ou les a cédés, convertis ou mis en location. Par dérogation, les dispositions
s’appliquent au II de l’article 150 0 b ter du CGI.
L’exception :
Le texte prévoit une mesure de tempérament. Une quote-part du gain net réalisé sur
les titres souscrits ou acquis pourra être imposé dans la catégorie des plus-values de
cessions de valeurs mobilières (CGI, art. 150-0 A), dans la limite d’un plafond
déterminé selon un multiple de la performance financière précisé par ce nouvel
article. De surcroît, les titres devront présenter un risque de perte du capital souscrit
ou acquis et avoir été détenus pendant deux ans au moins.
La limite susvisée sera déterminée dans les conditions suivantes (décomposition
pour simplifier les calculs ici) :
Multiple de performance = 3 x (VR Cession / VR Acquisition)
VR Cession = valeur réelle de la société émettrice à la date de cession des titres ou
toute autre opération mentionnée à l’article 150-0 B et portant sur lesdits titres
VR Acquisition = valeur réelle d’acquisition réelle de la société émettrice à la date
d’acquisition, de souscription ou d’attribution desdits titres
Limite = (Prix de souscription ou d’acquisition des titres x Multiple de performance) –
prix de souscription ou d’acquisition des titres
Le texte dispose par ailleurs une liste d’indicateurs devant être retenus pour
déterminer la valeur réelle des titres. Par ailleurs, en cas d’acquisition des titres par
fractions successives (dates distinctes), le gain est calculé distinctement à chacune
de ces dates.
Et ensuite ?
Deux schémas :
– La fraction du gain net inférieure à la limite susvisée sera imposée dans
la catégorie des plus-values de cessions de valeurs mobilières. En
définitive, cette quote-part est plafonnée à 3 fois « l’enrichissement » de
la société.
– La fraction du gain net qui excèdera la limite susvisée sera imposée
suivant les règles de droit commun des traitements et salaires au titre de
l’année au cours de laquelle le bénéficiaire a disposé de ses titres ou les a
cédés, convertis ou mis en location.
Un rapprochement nous semble ici envisageable avec le nouveau régime fiscal
décrit précédemment pour les gains de cessions des titres souscrits en exercice de
BSPCE.
Enfin, la loi de finances pour 2025 prévoit plusieurs dispositions en matière sociale
pour les gains de cession. Là encore, il convient de distinguer :
– Les gains de cession relevant du régime des plus-value mobilière. Ces gains
semblent exonérés de certaines contributions sociales.
– Les gains imposés dans la catégorie des traitements et salaires. Pour ces
derniers, il est institué une contribution salariale libératoire de 10 %.
Ces évolutions en matière sociale s’appliquent aux dispositions, cessions,
conversions ou mises en location réalisées entre le 15 février 2025 et le 31
décembre 2027.
Notons en parallèle que la loi de finances prévoit une interdiction d’inscription sur un
PEA des titres acquis ou souscrits en vertu de management packages visés au
présent article 163 bis H nouveau du CGI. Cette disposition s’applique aux titres
souscrits ou acquis à compter du 15 février 2025.